Le drame du moment
C’était hier. Je surfais sur Facebook (au lieu de corriger mon dernier roman avec mon super logiciel que je viens de m’acheter, shame on me !) et je tombe sur la publication d’une librairie que je suis depuis quelques années. C’est une librairie qui est spécialisée dans le fantastique. Je n’y ai jamais mis les pieds, tout simplement parce que je me promène peu dans Paris intramuros, mais j’aime suivre leurs publications. Il y a un bout de temps, ils avaient lancé un concours du meilleur livre fantastique et des lecteurs avaient plébiscité Esteb. Mais comme le libraire ne connaissait pas ce titre, en auto-édition, je n’avais pas fini le concours. Pas grave. J’ai continué à lire leurs publications, installée dans mon fauteuil.
Et puis, hier, là, comme ça, bim : la librairie annonce sa fermeture.
Merde. Encore une. Les libraires ne tiennent pas le coup en ce moment. Certains disent qu’ils souffrent d’Amazonite aigüe, ou de Culturoplasmose aggravée. Peut-être. D’autres scientifiques se penchent sur un nouveau virus, baptisé ebook, et qui ferait des ravages dans les librairies.
Je ne suis pas libraire. Je suis lectrice. Auteur aussi. Un peu. Je pense que ces maladies affaiblissent certainement les librairies qu’elles touchent, mais je crois aussi que l’adaptabilité du libraire est, en quelque sorte, son meilleur système immunitaire. Parce que, selon moi, la société évolue à une telle vitesse qu’il est utopique de vouloir combattre ces maladies. Maladies qui, rappelons-le, ne touchent que les librairies. Pour ma part, lectrice et auteur, je suis heureuse de commander en trois clics sur Amazon, contente de discuter avec le libraire de Cultura tout en achetant des stylos pour mes gamins, et ravie de charger ma liseuse de bouquins pour partir en vacances “légère”.
Je crois plutôt que les libraires vont devoir évoluer, muter, pour ne plus être touchés par ces maladies du siècle.
Des libraires accueillants
Je n’ai pas trop eu le temps de vous en parler dans mon premier billet, mais il y a plusieurs types de libraires. Et ça, on le découvre plus facilement quand on est auteur. J’ai eu la chance de rencontrer des libraires accueillants. Pas toujours faciles au premier abord, pas toujours souriants quand je leur dis que je suis auto-éditée, mais acceptants de découvrir mon travail.
C’est le cas dans la librairie Les Caractères, à Colombes, où je dédicace une fois par an. Quand je rentre chez ce libraire, j’ai toujours une petite appréhension, comme la première fois, mais le sourire qu’il m’adresse me rassure bien vite.
Et puis, il y a La Portée des Mots, à Salon de Provence, où j’ai passé un délicieux moment lors d’un apéri-livre où j’étais invitée en tant qu’auteur. Dans cette librairie, un coin est réservé à l’auto-édition et c’est avec plaisir que j’ai vu Le journal de L. rejoindre la pile des autres auteurs indépendants. Puis, quelques semaines plus tard, mon roman a changé de place dans la librairie…
J’imagine (je ne peux qu’imaginer !) que le libraire a peut-être lu mon roman ?
Et puis, chez moi, ce matin…
Je ne sais pas pourquoi, mais en 5 ans d’auto-édition, je ne suis jamais arrivée à passer me présenter dans la librairie de ma ville. Fou, non ? Je pourrais trouver tout un tas d’excuses à cela : timidité, manque de temps, … Mais bon, tout de même : c’est le libraire de ma ville, crénom ! Ce matin, pour une fois, je me promenais en centre ville avec ma fille et nous rentrons dans cette librairie que je ne fréquente pas (j’avoue !). Nous avisons quelques livres et je sors ma carte bleue. Oui, je sais, je suis faible ! Engageant la discussion avec la libraire, je me raisonne et prends mon courage à deux mains : allez, après tout, j’ai eu un super article dans L’Argenteuillais il y a quelques mois, suivi de près par un bel article dans Le Parisien, peut-être que c’est le moment de me présenter, non ?
Ben… Non.
Je me suis fait envoyer paître parce que bon, l’auto-édition, hein, elle en voit passer toutes les semaines et qu’elle a déjà fort à faire pour organiser des rencontres avec les auteurs normaux… OK… Pas un “Laissez-moi votre dossier de presse.”, ni un “Vous avez une carte de visite ?” et encore moins un “Vous avez un livre à me confier ?” Gloups… J’ai conclu avec un grand sourire et un “Tant pis pour vous.” Parce que moi, pour me fâcher, faut un peu plus que cela et je trouve surtout très triste le manque de curiosité de cette dame. Tant pis, je ne rencontrerai pas les lecteurs argenteuillais et continuerai à dédicacer chez Cultura, ou dans les Espaces Culturels Leclerc, par exemple…
Cause et effet
Alors bon, je ne suis pas une experte, hein… Et j’aime les libraires, si, tous les libraires, même ceux qui me claquent la porte au nez. D’ailleurs, c’est un métier qui m’aurait bien plu, ça, libraire… Mais je me dis que lorsqu’on voit que l’auto-édition a le vent en poupe, que beaucoup d’auteurs se font connaître ainsi avant d’être sous contrat dans des maisons d’éditions, que certains auteurs édités commencent à réfléchir à comment quitter le navire pour voyager seuls, et que, par ailleurs, des librairies ferment ou manquent cruellement de curiosité, je finis par me demander s’il n’y aurait pas là une petite relation de cause à effet. Non ? Peut-être que ce n’est pas une relation de cause à effet aussi directe que cela, bien sûr, mais je ne peux m’empêcher de constater que le monde du livre est en mutation. Les auteurs sont en train de changer de peau, les lecteurs prennent le pouvoir, et les libraires ? Quel sera leur rôle dans les années à venir ?
Je rêve
Je rêve d’un lieu calme, accueillant, avec plein de livres sur les étagères. Je rêve d’un libraire chaleureux qui sache me conseiller (ça, en général, il n’y a aucun souci, vous êtes très forts messieurs dames les libraires !). Je rêve de connecter ma liseuse à une borne wifi de la librairie pour y télécharger le livre dont m’aura parlé mon libraire parce que le grand format est trop cher, que je n’aime pas le format poche, mais que j’ai une liseuse. Je rêve de me retourner pour découvrir un auteur en train de présenter son premier roman, un ouvrage auto-édité que le libraire aura lu et aura eu envie de plébisciter. Je rêve… Vraiment ?
Les autoédités qui sauveraient les libraires ? J’aime beaucoup l’idée ! 😉
Et pourquoi pas ? Tous auto-édités ! Tu me trouves un brin utopiste sur ce coup-là ? 😉
Les librairies de Province seraient-elles plus ouvertes ?
Je n’en ai pas encore suffisamment testées pour être catégorique, cependant, je dois bien reconnaître, que sur Paris l’auto-édition passe plus mal, a priori…
Encore une fois tu m’emmènes dans tes explications, tes avis , et là je dois dire que je suis entièrement d’accord avec toi. Décidément je suis une vraie fan…
Heureuse de te faire entrer dans mon petit monde ! Tu sais que moi aussi je suis fan de toi et de tes dix doigts 😉
C’est beau de rêver ! 🙂 Parfois, le rêve devient réalité.
J’ai beaucoup de chance, la librairie à côté de chez moi est extra et j’aime y aller. Même s’il m’arrive de dévaliser la Fnac du centre ville ou Amazon 😉 Je n’y vais pas pour les mêmes raisons.
Ta librairie fait-elle participer des auteurs à des événements ? Est-elle pour ou contre l’auto-édition ? J’aimerais bien avoir ce genre de retour de mes lecteurs, histoire de savoir si Sabine, dans son commentaire un peu plus haut, a raison ou pas quand elle suggère que les libraires sont plus ouverts en province.
Quant au rêve qui devient réalité (ou pas! ), de toute façon il faut rêver, ne serait-ce que pour voir ce que cela donne ! 😉
La librairie organise beaucoup de rencontres ou dédicaces avec des auteurs français ou étrangers. Par contre, il ne me semble pas qu’il y ait eu des auteurs auto-édités. Je n’ai pas parlé avec elles de ce sujet et je ne sais pas ce qu’elles en pensent.
C’est beau de rêver ! Parfois, le rêve devient réalité.
Et pourquoi pas rêver jusqu’à ce que cela devienne réalité 😉
En se donnant du mal, mais ça peut valoir le coup !
Merci pour cet article Karine !
Nul n’est prophète en son pays ! Pourtant…
Je me retrouve aussi dans ton article. En 2011, j’écrivais un article de blog pour expliquer que le blog est l’avenir de la presse écrite. Aujourd’hui, je n’ai pas encore contacté de changements dans les mentalités journalistiques. Et la presse écrite continue de chuter ! Les librairies, et c’est bien regrettable, ferment les unes après les autres et ton article montre pourtant qu’il y a des solutions : s’ouvrir aux auteurs locaux, s’ouvrir à l’auto-édition. J’espère que certains auront la présence d’esprit d’ouvrir leur esprit 🙂
J’ai souvent l’impression que, finalement, le monde ne change pas assez vite vers quelque chose de mieux…
Merci pour ton avis toujours constructif ! 🙂
Causes à effets??? A n’en point douter (peut-être de rares exceptions…) Espérons que que certains libraires liront ce que tu viens de nous démontrer et que cela leur donnera des idées pour garder leur gagne pain ouvert!!! 🙂
Oui, c’est dramatique de voir des librairies indépendantes fermer… 🙁
Je découvre votre blog. Excellent article que j’approuve à 100% !
C’est dur la vie d’auteur (auto)édité.
Merci.
Vous avez raison de mettre une parenthèse : pour connaître des auteurs édités, leur vie n’est pas toute rose non plus ! 🙂
J’ai habité Argenteuil et Colombes. Je vois très bien de quelle librairie il s’agit. Le genre où le libraire regarde toutes les personnes qui entrent par-dessus ses lunettes pour vérifier qu’elles appartiennent bien à la secte des intellos de gauche. Bon, j’exagère un peu, mais quand même. J’avais fini par ne plus fréquenter du tout cette boutique, parce que je ne me reconnaissais pas dans sa sélection de bouquins. La philo, la psychanalyse, la sociologie et les livres goncourisables, ce n’est pas trop ma cup of tea. Rien d’étonnant à ce qu’ils rejettent les auto-édités comme des malpropres.
Pas facile d’entrer dans les “bonnes cases” quand on est auteur de littérature populaire. Mais je ne reviendrai pas sur mes choix : j’aime la fiction, j’aime raconter des histoires, et surtout je n’aime pas rentrer dans des cases ! 😉
Merci pour votre témoignage… Je me sens moins seule ! ^^
Si tant d’auto-édités (comme moi, d’ailleurs) font le choix d’écrire de la littérature populaire, c’est parce que cette littérature a un public. Je reproche à certaines librairies, telle que celle-ci, de défendre exclusivement les livres à public restreint, au nom d’un élitisme qui est en partie responsable de leur déclin.
Cela dit, j’adhère à votre vision d’une librairie différente. Les auto-édités ont vraiment besoin des libraires pour avoir des relations avec leurs lecteurs dans le monde réel.
Merci pour cet article. Je m’y suis retrouvé à plusieurs reprises. Les libraires (je parle des bons et vrais libraires, pas des épiciers” qui se contentent de vendre les best-sellers) sont des passionnés qui donnent beaucoup et gagnent souvent très peu. J’ai souvent rêvé de partenariats (à inventer) entre les indépendants et les libraires. Créer un réseau de distribution des oeuvres numériques à l’instar d’Amazon et consorts. Oui, les indépendants peuvent sauver les libraires. de nouveaux modèles économiques sont à inventer. Il y aurait d’ailleurs un article à développer sur tout cela!
Tu vois, Chris, je ne suis pas la seule à penser que les indés peuvent aider les libraires à sortir de leurs difficultés actuelles !
Merci Philippe pour votre avis ! 🙂
Eh oui, s’adapter ou disparaître, c’est la loi de l’évolution. Mais certain ne l’ont pas encore compris.
Et une autre voie est à l’étude ici:
https://www.facebook.com/groups/646875475422578/
Je vais de ce pas voir ce groupe, merci !
[…] ← Libraires ouverts et librairies fermées […]
[…] oiseaux chantent, les éditeurs tentent de continuer de gagner de l’argent, le monde tourne, les libraires ont du mal à lutter contre les géants comme Amazon, et l’auto-édition a le vent en poupe. Les auteurs indépendants font désormais partie du […]