Le livre est-il un produit comme un autre ?

Le livre doit-il être considéré aujourd'hui comme un produit comme les autres ou doit-il conserver cet aspect sacré que lui confère son statut d'objet culturel ?

Mon oreille est brûlante contre mon téléphone après presque 2 heures de discussion à bâtons rompus, mais je commence à comprendre de quoi on parle. J’ai cependant encore quelques questions à poser à mon ami Guillaume, auteur de son état.
– Tu saurais me dire s’il est pertinent de conserver la liste des mots-clefs auto ?
– Tout dépend de ton ACOS dessus.
– Oui, mais dans ma liste principale, je vire ceux avec une expression large ou une expression exacte ?
– J’aurais tendance à dire que ta colonne KENP peut modifier ton choix.
– Du coup, une fois que j’aurais fait tout ça, j’archive les mots qui ne me servent pas, puis je vais rentrer les ASIN des livres…
– Oui, c’est ça. Et surtout, regarde bien ton CPC avant de te lancer dans des modifications d’enchères !
Mon neveu, qui passait dans mon bureau en cet instant, s’est figé pour me regarder d’un air circonspect. Il écoute très impoliment la fin de ma conversation, je raccroche, et alors que je pensais qu’il allait me demander où sont les clefs de la voiture (ou les gâteaux pour le goûter), il me surprend :
– Mais de quoi tu parles, tata ?
– J’ai un ami auteur qui m’apprend à paramétrer les publicités Amazon, pour mes bouquins.
– Mais… Tu fais de la pub pour tes bouquins ?!
J’hésite entre sourire (il me croit célèbre et pense sans doute que je n’ai pas besoin de cela !) et soupirer (je me passerais bien de la corvée de paramétrage amazonien !). Je fais une grimace, un peu entre deux eaux.
– Ouais, bah tu sais, le livre est un produit comme un autre…
Son visage se décompose. Visiblement, je n’aurais pas dû placer un objet culturel sur le rayonnage des aspirateurs…

Le livre, produit culturel qu’il ne faut pas toucher
Je me rappelle parfaitement quels sont les premiers livres qui sont entrés dans ma vie. Si si. Les premiers que j’ai vus, ce sont ceux de la bibliothèque du bureau, chez mes parents. Une bibliothèque créée par mon père, sur mesure, en acajou aux reflets rouges, et qui contenait d’épais livres en cuir sur la tranche desquels des lettres dorées vendaient du rêve. Du moins, c’est ce que j’ai longtemps supposé puisque j’avais l’interdiction formelle d’y toucher… Jules Verne, Maupassant, Zola : des noms qui m’intriguaient enfant avant que je ne les découvre lors de mes études, en livre de poche. Je pense que j’ai dû mettre plus de seize ans avant d’avoir le droit de lire un livre de cette collection, parce qu’ils coûtaient cher. Il n’aurait pas fallu que j’en abîme un. Mais alors, à quoi servaient ces ouvrages si l’on ne pouvait les lire ?
Je me suis contentée de voyager dans d’autres histoires sur le dos de bandes dessinées, de livres de la bibliothèque verte ou jaune, et de livres de poche. Que d’aventures ! Éduquée dans le respect de cet objet sacré, j’ai mis des années avant d’oser en corner une page avant de m’endormir. Et des décennies avant d’oser en surligner les passages inspirants. Certains se récrieront sans doute en lisant ces lignes, mais je suis parvenue à comprendre qu’un livre est un objet vivant, pas une déco de bibliothèque, et pour qu’il fasse partie de moi, je dois pouvoir me l’approprier. Alors, corner ses pages, plier sa tranche (respirez, ne syncopez pas, cela va bien se passer !), surligner des passages, coller des post-it ou même écrire dedans ne m’effraie plus.

Devenir l’auteure d’un objet sacré
Imaginez un peu mon émoi lorsque j’ai tenu entre les mains mon tout premier roman. Le roman de Marjolaine, puisque tel était son nom, était la concrétisation d’un rêve, l’aboutissement d’un premier travail d’écriture au rythme effréné (même si j’ai fait pire depuis !), la promesse de voir aussi, un jour, mes livres dans une bibliothèque de bureau. Mais pas en reliés cuir, ah ça, non ! Mon livre, je voulais que les lecteurs le touchent, le plient, le dévorent en même temps qu’un pain au chocolat au petit déjeuner (et tant pis pour les taches de café !). Lorsque, vers mes 35 ans, mon premier livre est paru, je ne considérais déjà plus cet objet comme un objet sacré, mais comme le vecteur de transmission d’une histoire que j’avais envie de vous raconter. Car, tout en me disant écriveronne, je sais que je suis aussi une raconteuse d’histoires. Aussi, pour moi, le contenu est plus important que le contenant. Seulement, dans notre société, faire fi de la couverture d’un livre est une hérésie lorsqu’on veut le vendre, j’y reviendrai plus tard.

Auteur : vivre d’amour et d’eau fraîche
Sacré (définition du Larousse) : Qui appartient au domaine séparé, intangible et inviolable du religieux et qui doit inspirer crainte et respect.
Si le livre apparaît encore aujourd’hui pour beaucoup comme un objet sacré, je comprends mieux pourquoi il est difficile de le vendre. Je ne reviendrai pas sur la position de certains auteurs qui estiment avoir contribué à un changement significatif de notre monde en écrivant leur livre et qui ne souhaitent donc pas faire (en plus !) l’effort de lui trouver son public (les gens n’ont qu’à le trouver tout seuls!) . Et je ne reviendrai pas non plus sur ces lecteurs, comme mes parents apparemment, qui collectionnent les beaux livres pour le plaisir des yeux sans jamais les ouvrir. Attention, je ne dis pas qu’ils n’ont jamais lu les textes qui s’y trouvent, juste qu’ils ne les ont pas lus dans les livres qu’ils ont achetés…
Je vais plutôt vous parler du paradoxe du métier d’artiste-auteur, ce métier passion qui ne rapporte pas d’argent (ou du moins à très peu d’entre nous). Ce métier où les personnes qui font appel à nos services (les lecteurs pour ce qui est de notre production littéraire), considèrent normal qu’un auteur ne tirent pas un revenu substantiel de son métier. Vous pensez que je vais trop loin ? Vous ne me croyez pas ? Qu’elle serait, en toute honnêteté, votre première pensée si votre enfant, chair de votre chair, vous annonçait à la sortie du bac qu’il choisissait de devenir écrivain ? Penseriez-vous spontanément que c’est un métier dans lequel il est sûr de gagner sa vie ? Où seriez-vous en train de calculer le nombre d’années qu’il vous reste à vivre pour pouvoir le soutenir dans son choix insensé ? Parce que même si la croyance populaire vous fait penser qu’un artiste vit d’amour et d’eau fraîche, au fond, vous savez bien qu’il n’en est rien. Alors, il nous faut trouver des moyens pour vendre nos livres, nos produits, comme n’importe quel autre commerçant. Et force est de constater que les plateformes numériques offrent une belle opportunité.

Le livre, un produit commercial
Comme tout le monde, je n’aime pas la publicité. Je râle constamment quand YouTube m’en balance (mais je refuse de mettre un logiciel pour la bloquer afin de ne pas pénaliser le travail des youtubeurs), je soupire et en profite pour faire autre chose quand elle tombe sur mon écran de télé, sans parler de l’indiscrétion de certains sites qui mettent en avant mes dernières recherches au moment de Noël, principalement sous les yeux des premiers intéressés !
Bref, je déteste la publicité !
Et pourtant, j’en suis venue à l’utiliser. Pourquoi ? Parce que mon livre est au milieu de millions d’autres bouquins sur Amazon. Et, même si j’ai une communauté du tonnerre, si je ne fais que ces ventes-là, je ne vais pas pouvoir payer mes factures en fin de mois. J’ai besoin de trouver de nouveaux lecteurs, de faire le plus de ventes possibles, d’avoir des rebonds sur mes autres titres. Bref, j’ai besoin de vendre des livres pour vivre. Et tout comme sur les marchés on est attiré par la voix d’un marchand qui nous interpelle, la pub Amazon me permet de faire un petit signe de la main aux lecteurs.

Faire de la publicité pour son livre
Seulement, il faut bien avouer, quand on met le nez dans les paramètres de la pub amazonienne, c’est une véritable usine à gaz ! Des mots compliqués, des notions qu’on n’a jamais rencontrées ailleurs, des pourcentages, des abréviations, et surtout l’inquiétude de mettre en jeu son propre argent pour un bénéfice qui n’est pas assuré du tout.
Cela vaut-il vraiment le coût de risquer de perdre des euros dans une campagne publicitaire dont on ne maîtrise rien (ou pas grand-chose) au début ? N’est-ce pas une énième tentative du géant américain pour nous pomper notre pognon sans scrupule ? Comment évaluer le bénéfice / risque d’une telle opération ?
Bon, clairement, on ne peut pas. Parce que rentrent alors en compte des éléments qui dépendent malgré tout entièrement de nous. Et la première question à se poser c’est : est-ce que j’ai créé le meilleur produit possible ? Car il ne suffit pas d’avoir un bon texte pour le vendre. Un cadeau emballé avec du papier kraft sera toujours le dernier ouvert à Noël, après ceux emballés dans un joli papier brillant. Autrement dit, si vous n’avez pas pris soin de rendre votre livre attractif (couverture, résumé, avis…), vous pourrez mettre en place toutes les campagnes de pub que vous voulez, cela ne fonctionnera pas.

Pour quels résultats ?
Mais admettons (la chauve-souris, elle connaît le code !) : vous avez un superbe produit entre les mains. Texte corrigé par un pro, contenu intéressant ou dans l’air du temps, couverture réalisée par un graphiste professionnel, résumé aux petits oignons, prix dans les clous, avis de bêta-lecteurs enthousiastes : vous avez pensé à tout !
Vous décidez de lancer une publicité sur Amazon car vous voyez cela comme un investissement. Et vous aurez sans doute raison. Rien ne dit que cela va fonctionner, mais si cela fonctionne, vous pouvez espérer être remboursé de votre mise de départ et enfin gagner de l’argent sur vos livres. Parce que le livre est bien un produit comme les autres. Un produit consommé par des millions de lecteurs en France. Un produit culturel, certes, mais qui répond à des exigences esthétiques (et cela depuis toujours si on pense aux enluminures qui ornaient les premiers écrits).

*** Encart de Puuuub ! ***
Avant que l’on se quitte, vous pouvez acheter une bonne dose de frissons (d’horreur et de plaisir mêlés !) ici : Le Prince Alexander
*** Fin de la Puuuuuub ! (vachement plus rapide que sur M6 !) ***

Pour conclure ce billet, je crois que ce qui fait vendre un livre est sa présentation et non plus le nom de son auteur. Certes, les auteurs les plus connus peuvent s’appuyer sur une communauté qui ne manquera pas leur dernière sortie, mais les auteurs indépendants ont aussi leur place à prendre, plus discrètement sans doute, mais avec un produit d’aussi bonne qualité.
Et vous ? Accordez-vous beaucoup d’importance à l’aspect d’un livre avant de l’acheter ? Avez-vous remarqué que certains livres étaient issus de la publicité menée par les auteurs et les éditeurs sur Amazon ? Pensez-vous que la publicité a son rôle à jouer pour faire connaître des auteurs indépendants ?

À la semaine prochaine pour un nouveau billet !

Tipeee, c’est l’endroit où, en déposant une pièce dans mon chapeau d’artiste, vous allez pouvoir vous régaler avec des heures d’histoires inédites à lire.

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